quinta-feira, 9 de outubro de 2008

Le Clézio (n. 1940), Nobel da Literatura 2008, hoje

"À Raga, on est pénétré à chaque instant par le sentiment diffus, inexplicable, de la divinité.
Il y a d’autres endroits dans le monde où ce sentiment peut surgir. Dans la lande, en Bretagne, ou dans les ravins au coeur de la forêt vosgienne. En Islande, où l’on est si prés des bouches à feu de la terre, ou encore dans le désert mineral balayé par le vent. J’imagine que la banquise de l’Antarctique peut donner ce sentiment.
À Raga, cela vient de la conjonction d’une nature violente et de la douceur des hommes qui l’habitent. Il y a quelque chose de dénudé dans la pierre noire, la brutalité de la falaise, et en même temps la force des plantes, l’eau en suspens dans l’atmosphère. En résumé, c’est volcanique.
Il n’y a pas de volcans à proprement parler sur Raga. Une légende racontée par Willie Bebé explique pourquoi les volcans sont présents à Ambrym, et absents de Raga. Il y a très longtemps, deux vieillards irascibles habitaient chacun d’un côté du detroit. Un jour, le vieillard de Raga lança un tison enflammé à son rival: “Tiens, ainsi tu n’auras plus jamais froid.” L’autre, en réponse, lâcha une fumée vivante sur Raga: “Tiens, pour te tenir compagnie la nuit!” Depuis ce temps, les volcans brûlent à Ambrym, et les moustiques harcèlent les habitants de Raga.
L’esprit divin imprègne ces îles. L’esprit, et non pas la religion. Sans doute faudrait-il dire ce que Vincent Boulékone dit de la culture en général, et des musées en particulier. Qu’à Raga, c’est l’île tout entière qui est un musée. Et l’île tout entière qui est un temple.
"
Le Clézio. Raga - Approche du Continent Invisible.
Col. "Points" (P1798). Paris: Éditions du Seuil, 2006, pp. 77-78.

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